Rajazz

A propos

Les « rajazz »consistent en une forme d’organisation de notes et sont représentés sous forme de mandalas musicaux.

J’ai toujours eu cette image de la musique : un paysage qui s’étend à l’infini, et que l’on observe du haut d’une colline, les bras ouverts face à l’horizon à 180° et tentant de l’embrasser… Dans ce vaste paysage je voyais tout notre héritage de Bach à Debussy, mais aussi le jazz, le blues, le rock, les musiques latino-américaines, les musiques africaines, le rap, les musiques électroniques, et tous ces styles dont le 20 ème siècle aura accouché. Un paysage infini… Et puis un jour, j’ai rencontré l’univers des ragas, et là j’ai réalisé que je me trouvais face à quelque chose d’encore tout autre, mais d’aussi vaste que ce qui m’était familier : un autre univers musical d’une richesse extraordinaire, non plus « tonal » mais « modal » cette fois. Et d’un coup j’ai réalisé que si je me retournais, sur le sommet de cette colline, les bras toujours ouverts vers l’horizon, je découvrais les 180° de paysage restant. De ce point de vue central, l’envie m’est évidemment venue de tout faire pour continuer à embrasser la totalité de ce paysage… Et les Rajazz sont un concept que j’ai développé afin de mêler ces deux façons d’envisager le paysage musical.

Le concept de « rajazz » est issu d’un croisement entre la musique tonale et la musique modale indienne. Le nom est une contraction de raga et de jazz : rajazz.

A force de passer de la pratique de la tonalité à la pratique de la modalité, je me suis rendu compte que les règles d’improvisation différaient avant tout de par leur intention première même :là où l’improvisateur de ragas se limite à 5, 6 ou 7 notes une heure durant, et cherche à en explorer toutes les possibilités et à obtenir une seule couleur mais très définie, le musicien de jazz cherchera plutôt à jouer « out », à utiliser une variété maximale de notes par-dessus chaque couleur, et à créer des changements de couleurs des façons les plus diverses… La façon d’aborder la matière musicale que sont les notes est donc fondamentalement différente. J’ai donc cherché à inventer une sorte de « jeu » de notes, intégrant des règles répondant simultanément aux attentes des deux systèmes. Les « Rajazz » en sont l’aboutissement.

La façon la plus claire de représenter un rajazz consiste en une sorte de mandala musical. ( voir schémas )

Sa matière première est basée sur des pentatoniques (5 notes) identiques en ascension et en descente.

Rajazz # 1, par exemple, est construit sur la pentatonique – 1 b3 4 5 6 -, en Bb pour la tonalité centrale, ce qui nous donne – sib réb mib fa sol -.

Comme dans un raga, je marque la volonté et la contrainte de m’en tenir à un matériel mélodique,mais je la concilie avec la volonté du musicien de jazz d’ouvrir sa palette de couleurs le plus possible, en utilisant les intervalles existants comme pivots afin de pouvoir passer à cette même pentatonique, mais dans n’importe laquelle deses versions transposées, et ainsi de l’une à l’autre, au gré des chemins potentiels. Le système est contraignant, mais une grande liberté s’y découvre.

Plus tard, plusieurs rajazz peuvent être combinés afin complexifier le système. La palette de couleurs mélodico-harmonique s’élargit alors de façon exponentielle.

Les Rajazz que j’ai explorés jusqu’à présent sont :

  • Rajazz #1 : 1 b3 4 5 6
  • Rajazz #2 : 1 b3 #4 5 6
  • Rajazz #3 : 1 b3 4 b6 7
  • Rajazz #4 : 1 b3 4 6 7
  • Rajazz #5:1 b3 5 b6 7
  • Rajazz #6 : 1 3 5 b6 7

Outre les techniques d’improvisation à partir des rajazz, qui demandent beaucoup d’étude puisqu’il s’agit de littéralement reconditionner l’esprit à une nouvelle façon « multipolaire » de penser les intervalles, la théorie des rajazz nourrit également mon exploration en tant que compositeur, mais vu la qualité mélodico-harmonique induite par ces combinaisons, je m’en tiens pour l’instant à composer pour instrument soliste. Ce travail d’écriture me permet en outre d’aller plus loin dans ma quête d’une musique à la croisée des styles, intégrant à la fois des éléments du jazz, de la musique contemporaine, et des musiques du monde. Une démarche générale qui vise encore une fois à envisager la musique comme un tout, en échappant tant que possible à toute classification stylistique.